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Nous l’avons dit, et les événements l’indiquent assez, c’était au commencement du règne de Louis XV, et précisément à une époque où la France n’était en guerre avec aucune nation. On sortait de la Régence. Pourtant jamais Paris n’avait tant vu d’officiers de toutes les armes. Par le grand escalier de Versailles montaient et descendaient sans cesse de jeunes gentilshommes chassés de leurs cantonnements par l’ennui, l’oisiveté et surtout par l’ambition. Ils assiégeaient, les mains pleines de lettres de recommandations, les bureaux de la guerre, se disputaient un sourire dans l’antichambre des favoris, et allaient quêter de boudoir en boudoir de belles protectrices. Il y avait plusieurs causes à ce débordement de jeunes solliciteurs. Leurs familles, la plupart ruinées par les longues campagnes de Louis XIV, auxquelles elles avaient contribué de leur sang et de leur fortune, ne pouvaient plus les maintenir à la hauteur des prétentions de la naissance. Elles n’avaient plus de sacrifices à s’imposer pour eux. Les terres étaient engagées, beaucoup même l’étaient au delà de leur valeur. Si la haute noblesse se soutenait encore, la petite noblesse, et c’était la plus nombreuse, était résolûment pauvre. Quoique déjà on s’occupât beaucoup à cette époque d’économie sociale et d’économie politique, on ne savait d’autre moyen, pour soulager le sol du poids de la population, que le stupide moyen de la guerre.