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le dragon rouge.

Marine leva au ciel des regards qui voulaient dire : Malheureuse ! qu’a-t-elle fait ?

— Auras-tu soin de mes deux enfants ? dit-elle aussitôt à Casimire.

— Mon Dieu ! tu fais toujours des histoires.

— En auras-tu soin ?

— Que veux-tu dire ?

— Donne-moi cent louis d’or, petite, si tu les as.

Casimire courut à son secrétaire.

— Voilà deux rouleaux de cinquante louis. Mais…

— Adieu ! ma chérie, lui dit Marine en l’étouffant de ses caresses, tout humide de grosses larmes, adieu !

— Où vas-tu ? mais où vas-tu, Marine ?

— Je pars et je pars, tout de suite pour Paris.

— Pour Paris ! Qu’espères-tu ?

— J’espère, répondit avec une naïveté inspirée la bonne Marine. Encore une fois, adieu. Aie soin de nos chers enfants, et fais-leur dire tous les jours une petite prière à Sainte-Geneviève de Nanterre, entends-tu ? mais ne l’oublie pas ; je vais te la dire :

« Notre-Dame de Nanterre, qui êtes au ciel, nous vous prions de faire que la pauvre Marine arrive à Paris à bon port et revienne en bonne santé pour faire plaisir à maman et ramène notre oncle le commandeur. Ainsi soit-il. Au nom du Père, etc. »

— Adieu, ma fauvette ! dit encore une fois Marine en imprimant avec sa fraîche bouche et son âme de paysanne un baiser, qui fut presque une morsure, sur la joue étonnée de Casimire.

Elle partit.

— Sans mon orgueil trop écouté, sans mon ambition indomptable, aurait dû se dire Casimire, j’aurais peut-être empêché M. de Canilly, mon père, de mourir sur l’échafaud ; et c’est encore moi qui ai causé la perte de la liberté du comman-