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le dragon rouge.

céder la chambre nuptiale. Ils ne devaient pas s’inquiéter de ce dérangement ; il conduirait sa femme chez lui, à la ferme de son père, qui n’était qu’à une demi-lieue de là. Après un combat de générosité, où, comme cela ne pouvait manquer d’arriver, le commandeur fut vaincu, lui et Casimire furent installés dans la petite chambre des jeunes époux.

Les voilà seuls dans cette chambre. Elle était simple, petite ; elle était ornée de meubles ingénus, jeunes et frais comme ceux qui les avaient choisis pour vieillir avec eux. Les rideaux étaient blancs, étoilés de grosses fleurs bleues ; à terre s’étendait une natte dont les lattes de jonc lustré s’unissaient entre elles avec un gros fil de couleur. Tout respirait la simplicité naturelle, le bonheur venu sans effort, l’amour, et l’amour à vingt ans. Les menus objets de toilette de la mariée, empreints de la grâce de ses doigts qui les avaient touchés, étaient épars, depuis le retour de la messe, sur la commode d’érable : de longues épingles dorées, une ceinture, des nœuds de rubans, des fleurs détachées du gros bouquet solennel.

Comme pour agrandir l’étroit espace dans lequel elle souffrait secrètement d’être renfermée, Casimire, mal à l’aise, ouvrit la croisée ; la croisée plongeait sur la treille où l’on avait soupé. Quelques lampes achevaient de brûler dans cet air trop faible pour agiter leur flamme, qu’entourait une auréole phosphorique de moucherons. Quelle douce nuit !

Les amères exhalaisons des bois arrivaient par bouffées et sans vent.

Les étoiles, ces étoiles vues par Virgile, à cet endroit même, peut-être, aiguisaient leurs facettes blanches, pourpres et vertes, émeraudes de Dieu, à travers la vapeur lactée répandue sur cet espace moitié forêt, moitié campagne, moitié couvert d’orangers, moitié boisé de pins. Dans le lointain, on entendait s’élever, tomber, s’élever encore les chants d’hyménée qui accompagnaient les nouveaux mariés à leur demeure.

Le cœur de Casimire battait ; son âme jeune répondait à