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le dragon rouge.

dialogue qui s’échangèrent entre lui et les autres invités. La cérémonie fut la même pour tous. Nous nous contenterons de donner les noms de ces personnes, lesquelles passèrent successivement d’un salon à l’autre, ainsi qu’avaient fait les précédentes. Ce furent, tour à tour, les marquis, comtes et barons Drugon, Almeida, de Poncalier, de Tournabon, de Pignatel, de Bardoux, Sénéchal, Adhémar, d’Emer, d’Asfelz, Dalmain, de la Vrousse, de la Palue, de Lioncelle, de Rosselmini, de Mirabel, d’Ortiz et de Montmirail ; grands noms, hommes ruinés, auxquels il faut ajouter, pour compléter la liste et avoir sous la main toutes les pierres numérotées du vaste bâtiment à élever, les noms de mesdames de Rosay, d’Eurigny, de Sourdiau, de Pontaigu, de La Sorbière, de Boichevreuse, de Taligny, de Sainte-Claire, de Verville, de Germoise, d’Orbeville, de Buzancy, d’Achevillier, de Vintry, de Méricourt, de Cointel, d’Ivreux et de Cerneuil. En tout quarante-huit noms : vingt-quatre noms de femmes, vingt-quatre noms d’hommes.

Quoiqu’ils ne fussent pas inconnus les uns aux autres, les quarante-huit invités ne trouvèrent pas dans le fait de leur assemblage, évidemment prémédité, la cause de leur rencontre. Leur impatience était vive ; mais, une fois tous réunis, ils n’eurent pas longtemps à soupirer après le mot de cette énigme.

Le marquis Besson de Bès parut au milieu deux ; il les pria de s’asseoir et leur dit :

— Vous n’ignorez pas le fatal accident qui m’a empêché peut-être pour toujours d’entreprendre mon grand voyage à travers le monde ?

Ces flambeaux, ces lampes, ces bougies attestent mon malheur et son étrangeté. Je suis condamné à ne plus voir d’autre soleil que ces lumières et d’autre pays que cet hôtel. Dans ma triste réclusion j’ai déjà beaucoup songé aux moyens d’adoucir mon infortune ; un m’a particulièrement arrêté. Abhorrant d’instinct et de raisonnement les livres, ces catafalques de la pensée, ces étouffoirs de toute imagination, j’ai pensé que