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le dragon rouge.

Sur l’affirmation de Casimire, il montra un visage où commençait à se peindre un sentiment plus pénible que la surprise. Il est vrai que la sinistre clarté répandue sur tous les objets par ces lumières de catacombe prêtaient en ce moment un aspect particulier aux traits du commandeur, et surtout à ceux de Casimire, dont les fines couleurs n’étaient pas encore revenues.

De surprises en exclamations, d’exclamations en surprises, ils arrivèrent enfin au premier étage, à la porte de l’antichambre des appartements occupés par le marquis. Les fines nervures, les arabesques et les chicorées d’or de cette porte avaient disparu sous un placage d’ébène ; tout en était noir, jusqu’à la clef. De quel escalier pouvait être en deuil cette porte ?

C’est dans cette pièce d’attente que le marquis se plaisait à jouer autrefois avec ces chiens de race supérieure qui ne manquaient jamais de le saluer de leurs aboiements à l’entrée et à la sortie : toujours à l’imitation de Louis XIV, grand amateur de chiens.

Il y avait bien encore quelques chiens dans cette pièce aussi noire que l’escalier et aussi lugubrement éclairée, mais on ne les apercevait presque pas ; car, avec leur poil uniformément noir, ils se détachaient à peine sur le tapis noir où ils dormaient. Les carreaux des croisées étaient également noirs, ainsi que les rideaux qui flottaient comme des pleureuses.

Cette pièce s’ouvrait sur une belle salle à manger dont les dressoirs supportaient, au lieu des riches cristaux qu’on s’y plaisait à voir autrefois, ces soucoupes, ces vases couleur de momies arrachés avec les momies du fond des tombeaux égyptiens. La fantaisie morose du marquis n’excluait cependant ni le goût ni le luxe, et, d’ailleurs, le grand salon de réception, où Casimire et le commandeur furent introduits, en était la preuve.

C’est dans ce salon, comparé par le marquis, dans sa fièvre