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le dragon rouge.

sœur chérie, qu’il avait pensé trouver au retour, riche de santé et de jeunesse.

Casimire était maintenant accablée de toute l’énergie dont elle s’était montrée forte pendant le terrible récit de l’agonie de son père. Ses pieds n’opposaient pas de résistance au poids de son joli corps ; ils ne portaient pas à terre ; ils flottaient sous sa robe de soie verte aux raies blanches. On voyait seulement qu’elle vivait encore aux ondulations qu’imprimait son souffle à la cravate du commandeur, dont les bouts brodés effleuraient son visage. Une larme s’était arrêtée dans le coin de son œil, comme une goutte de rosée sur le calice d’une fleur brisée avant le lever du soleil. Derrière ses lèvres à demi fermées, on apercevait la rangée pure de ses dents, et cette disposition de sa bouche donnait à ses traits ce caractère de mort si touchant chez les jeunes filles qui partent de ce monde avant le temps, et auxquelles il reste encore quelque chose de doux à dire. Tableau triste à mourir, tendre à briser le cœur !

Marine faisait inutilement respirer des sels à Casimire, en criant par toute la chambre qu’elle était morte ; et le commandeur penchait sur ce visage insensible, son visage devenu brun, martial, aux fatigues de la guerre. Il n’osait pas décroiser ses bras, de peur de voir s’évanouir cet être faible qui paraissait ne plus tenir à la vie que par cette étreinte. Vainement le commandeur prononçait leurs deux noms, le silence de pierre et l’anéantissement de Casimire persistaient.

Ne sachant plus à quel moyen avoir recours pour rendre le sentiment à Casimire, Marine décroche le bénitier en cristal placé près du lit de Casimire, et le vide sur son front. La fraîcheur de l’eau la surprend ; elle remue aussitôt les lèvres, elle soupire, elle rouvre les yeux, ses yeux qui rencontrent ceux du commandeur. Elle est sauvée. Après avoir regardé autour d’elle, Casimire se dégagea avec pudeur, laissant glisser doucement ses bras le long de son corps ; sa main en descendant