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le dragon rouge.

la faveur duquel les grands savent vous empêcher de vous asseoir, quand le temps les presse.

— Et trois fois veuve après trois mariages d’amour ! répondit madame de Saint-Chamans dans une espèce d’exclamation mélancolique.

— C’est ce qui ajoute à votre éloge, reprit le marquis.

— Mais quelle expérience, monsieur le marquis !

— Précisément j’en ai besoin.

— De mon expérience de veuve, monsieur le marquis ! Plaisantez-vous ?

— Vous trouverez bonne compagnie dans ce salon : aurez-vous l’indulgence de m’y attendre quelques instants ?

— Volontiers, reprit madame de Saint-Chamans, qui se retira avec la curiosité peinte sur tous les traits.

— Monsieur de Marcoussis ! cria le valet de chambre.

— Soyez le bienvenu, monsieur de Marcoussis, lui dit le marquis en le pressant dans ses bras. Vous savez combien je vous estime, ajouta-t-il, pour avoir mangé votre fortune et perdu votre temps à faire des cours d’histoire naturelle qui ne vous rapportaient rien et qui ont enrichi ceux qui les écrivaient en rentrant chez eux. Vous avez préféré vous ruiner, mais parler, que de gagner de l’argent, immensément d’argent, à la condition d’écrire. C’est beau ; à mes yeux c’est sublime. J’ai en réserve une grande preuve de mon admiration pour vous. Je vous la fournirai, monsieur de Marcoussis, si vous voulez m’accorder un simple délai de quelques minutes. J’aurai l’honneur d’aller vous retrouver dans ce salon.

— L’honneur est grand, dit tout haut M. de Marcoussis, mais je désirerais en connaître la cause, ajouta-t-il tout bas.

— Ah ! c’est monsieur d’Herbeaumont ! dit le marquis en faisant quelques pas au-devant de la nouvelle personne introduite.

— Perdre une bataille navale, dit-il à M. d’Herbeaumont,