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le dragon rouge.

— De mon consentement ?

— C’est à vous que je prétends offrir mon nom et ma main.

Après avoir ouvert ses yeux avec un grand étonnement, Casimire abaissa, avec autant de réflexion au moins que de modestie, ses longues paupières.

— Si vous n’avez aucun motif d’éloigner mes vœux, reprit le marquis, consentez, je vous prie, à m’écouter quelques instants. Je vous ai paru dissipé, frivole, mon Dieu ! j’en conviens ; je crois que je le serai toute ma vie ; mais si vous m’acceptez ainsi, pourquoi me reprocherais-je cela comme un crime ? Si je voulais devenir grave, je ne parviendrais qu’à paraître ridicule, et je ne passe que pour léger. Quelques femmes, beaucoup même, me pardonneraient ces défauts de caractère si je les demandais en mariage, mais aucune d’elles n’a le droit d’être aussi exigeante que vous, et voilà pourquoi je dois être sincère avec vous, Casimire. Comment essaierais-je, d’ailleurs, de ne pas l’être ? Nous vivons ensemble depuis plusieurs années. Vous me connaissez comme une sœur connaît son frère. Quand je vous promettrais de me réformer, de lire du matin au soir, d’exercer ma pensée sur des sujets graves, de devenir un de ces hommes politiques en si haute estime dans l’opinion de monsieur votre père, vous ne me croiriez pas.

Si vous pouvez aimer un homme qui raffole de chevaux, des chiens, des fêtes, du bruit, de la chasse, qui abhorre le travail et la pensée autant que la maladie et la mort, qui ne se connaît qu’en habits nouveaux, en équipages nouveaux, en ameublements nouveaux, qui n’est rien qu’un gentilhomme fort inutile, né pour le plaisir, mais pourtant assez facile à vivre ; enfin, sans tant en dire, si vous pouvez m’aimer, ou m’aimer assez pour m’épouser, ajouta le marquis, répondez-moi, car je suis venu ici inquiet, triste, défiant, et résolu cependant. Je vous aime ; vous plaît-il d’être marquise de Courtenay, et quand vous convient-il de l’être ? dans un mois, dans un an, jamais ? Oh ! ne dites pas jamais ! dit le pauvre et suffi-