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BALZAC CHEZ LUI.

qu’il n’est pas trois heures, qu’il ne doit arriver qu’à trois heures, qu’il en est à peine deux… — Il aurait pu par ruse devancer l’heure de son arrivée… — Il n’a pas devancé l’heure. — Mais alors, repartit le préfet, quel malheur si profond, si extraordinaire, si irréparable venez-vous me confier ? Vous exagérez sans doute, permettez-moi de vous le dire, vous outrez ; mais je le comprends. Au fond, personne n’a encore souffert de dommage, personne n’est blessé, personne n’est mort… » Le préfet était presque ironique, presque gai en jetant cette objection devant les confidences rompues de la comtesse, et comme on jette les cartes devant son vis-à-vis quand on a trop beau jeu pour détailler carte par carte, point par point, la victoire dont on est sûr. « Il n’y a ni blessés ni morts, dites-vous, monsieur le préfet… ; il n’y a pas de blessé, c’est possible, du moins jusqu’à présent… Quant aux morts, il y en a deux… moi d’abord… moi qui ne survivrai pas au coup cruel que je viens de recevoir au cœur ; ensuite celui qui est dans ma voiture. — Dans votre voiture ? — Dans ma voiture. Mon amant, M. de Karls…, est mort cette nuit chez moi, il y a deux heures, et son cadavre est dans ma voiture. — Mort chez vous ? mort assassiné ? Un cadavre ? — Non pas assassiné, mais mort d’un coup de sang près de