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BALZAC CHEZ LUI.

vraie plaisanterie : vous êtes leurs dupes. Ces drôles jouent tous les jours la même comédie aux trop sensibles visiteurs de Montfaucon. Ils vous prendront vos cent ou cent vingt francs, et ils vous présenteront dans un mois une note de cinquante francs pour frais de nourriture d’un cheval qui n’a que douze heures à vivre, quelle que soit la nourriture qu’on lui donnerait, d’une rosse limousine qui n’a pas plus appartenu au maréchal Brune qu’au maréchal Lobau, à l’empereur Charlemagne qu’au paladin Roland. Mais le premier cheval fourbu, fracassé, à demi mort qui va entrer ici dans cinq minutes, aura eu l’honneur, à en croire ces messieurs, de faire la guerre sous le maréchal Ney, sous le roi Murat. Pour les partisans de l’Empire, il se sera trouvé à Waterloo où il aura reçu deux coups de lance dans le poitrail ; pour les légitimistes, il aura été monté par Charles X le jour de son sacre à Reims. — Filez vite, dit M. Brissot-Thivars, changeant le registre de sa voix, aux deux biographes de Montfaucon ; emportez ce cheval ; et vous, messieurs, veuillez me suivre. »

Avant de nous conduire à la partie réservée de Montfaucon, où nous étions destinés à jouir du spectacle si haut en goût du cheval de lord Egerton dévoré par les rats, M. Brissot-Thivars nous introdui-