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LIVRE PREMIER.

ces viſions de ſcrupules par ſuffiſance poupine ; la charge de mettre en eſcriuant ou liſant, la politeſſe ou le fard d’vn Oeuure, à plus haut prix que le couronnement du ſuccez pour lequel il eſt entrepris. Telles exceptions, de n’eſcrire que le quart de ce qui ſeruiroit à mon deſſein & à deffendre la reputation de ces excellens Poetes alleguez cy-deuant, affin de faire la polie & la mignarde ; s’appelleroient-elles point en moy, vne ſotte eſclauitude, née de la crainte qu’vn Lecteur ſe puſt offencer que mon eſprit fuſt capable de ſecouër le ioug de la niaiſerie en eſcriuant, parce que ie iugerois que le ſien ne pourroit le ſecouër en liſant ? Quiquonque ſe gouuerne par la ſottiſe de ſon voiſin, eſtoit digne de naiſtre plus ſot que luy : c’eſt pourquoy ie m’en abſtiendray ſi ie puis. Sans doute auſſi, ie n’aurois pas moins bonne grace en vne reſtriction ſi bien fondée, que ces douïllettes, qui n’oſent manger, de peur d’effacer le rouge d’Eſpagne qui farde leurs tendres lévres. Eh quoy ! lors que les Eſſais nous content des nouuelles de la garderobe & du baſſin de leur Autheur, cela eſt-il plus delicat qu’vne traiſnée de Diminutifs ? ou bien y a-t’il rien en tout ce Liure-là, qui montre plus clairement la grandeur & la force du iugement de celuy qui l’a conceu, que d’auoir oſé iuger ce traict neceſſaire, nonobſtant ſa ſaleté, veu le deſſein general du meſme Liure, qui eſt vne peinture de ſon Autheur ? ou certes y a-t’il lieu qui declare mieux la cognoiſſance & la iuſte confiance que cét Ouurier auoit du merite de ſon Ouurage, que la hardieſſe d’inſerer ce recit en ſes papiers, à la barbe d’vn Siecle ignorant, & gros du vent d’vne temeraire vanité de cenſurer les traicts meſmes les plus ſobres dans les Eſcrits ? Ce que les vns font pour ſe percher à caualier ſur le faiſte de la reputation des eſprits d’importance, les autres, pour ſeruir à la mode des vielleux vn plat de leur meſtier aux bonnes tables qu’ils veulent reſioüir, affin d’attraper vn autre plat de ſouppe graſſe. Et le mal eſt, que depuis qu’vn Ioyeux s’aduiſe meſmement à la Cour, de faire vne piece de riſée, pour impertinente qu’el-

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