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LIVRE SECOND.

ſa mere aportoit en telles choſes que parce que cette authorité maternelle l’emmena ſoudain apres le treſpas du pere en Picardie à Gournay, lieu reculé des commoditez d’apprẽdre les Sciences par enſeignemẽt, ny pas conference. Quelqu’vn luy ayant monſtré la Grammaire Grecque, elle en aprit en peu de temps la Langue à peu pres, puis la negligea, trouvant le but de la perfection plus eſloigné qu’on ne luy figuroit d’arriuée : ioint qu’en meſme ſaiſon la fortune fut trauerſée de tres-penibles incommoditez & difficultez, qui l’ont touſiours depuis fort divertie. Outre que ſon deſſein en l’apprentiſſage des Lettres, ne s’eſtendit jamais plus auant que la morale & fa ſuicte. Enuiron les dix huict ou dix neuf ans cette fille leut les Eſſais par hazard : & bien qu’ils feuſſent nouueaux & fans nulle reputation encores ; qui peuſt guider ſon iugement ; elle les mit non ſeule ment à leur iuſte prix, traict fort difficile à faire en tel aages & en vn Siecle fi peu ſuſpect de porter de tels fruicts ; mais elle commença de deſirer la cognoiſſance, communication & bienueillance de leur Autheur, plus que toutes les choſes du monde : Tellement que ſur la fin du terme de deux ou trois ans, qui ſe paſſa entre la premiere veuë qu’elle euſt du Liure & celle de l’Autheur, ayant receu comme elle luy vouloit écrire vn faux aduis qu’il eſtoit mort ; elle en ſouffrit vn déplaiſir extreme : luy ſemblãt que toute la gloire, la felicité & l’eſperance d’enrichiſſement de ſon ame, eſtoient fauchez en herbe, par la perte de la couerſation & de la ſocieté qu’elle s’eſtoit promiſe d’un tel eſprit. Soudain ayant vn contraire aduis, ſuiuy de l’heureuſe arriuée de luy-meſme à la Cour & à Paris, où pour lors ſuiuãt ſa mere elle eſtoit : venuë paſſer quelque temps ; elle l’enuoya ſaluer & luy declarer l’eſtime qu’elle faiſoit de ſa perfonne & de ſon Liure. Il la vint voir & remercier dés le lendemain, luy preſentant l’affection & l’alliance de pere à fille : ce quelle receut auec tant plus d’aplaudiſſement, de ce qu’elle admira la ſympathie fatale du Genie de luy & d’elle : s’eſtant de ſa part promis en ſon cœur vne telle alliance de luy depuis la pre-