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Au centre de la plate-forme où Della Preda était chaque jour amené, un logis de corps de garde s’édifiait qui la partageait en deux, hormis d’étroits passages, et bornait la vue du côté de la campagne. En mettant le pied sur la dernière marche, le prisonnier avait en face de lui, à sa gauche, la ville qui se projetait au loin, pleine de clochers carrés et de dômes ; à droite le golfe bleu.

Une église aux fuyants contreforts, écrasée et lourde, attirait d’abord le regard inexpérimenté et par la splendeur de sa madone enrubannée le fixait. Quand le soleil déclinant allait au fond de la niche ogivale la baigner de rayons, les rubis et les péridots de sa tiare, les lépidolithes et les topazes de son auréole étoilée réverbéraient l’éclat d’autant d’astres et la figure aux yeux diamantés s’extasiait.

La première fois que Guido monta sur la tour, c’était un soir vers l’heure du couchant. Ni de la flambante ville, aux terrasses vertes, ni de la cérulante baie aux blanches voiles, il ne vit rien, mais demanda, poussant un cri :

— « Là-bas ! Là-bas ! quelle est cette dame ?

— « Cette dame ? quelle dame ? répéta Veltro, l’œil étonné, inquiet déjà.

— « Oui, cette dame, devant l’église des Orphelins ?

— « Ah ! Au-dessus du portail, voulez-vous dire ? C’est la Novella, seigneur, répondit Veltro, en se découvrant au prononcé de ce nom, une bienheureuse et bénévolente madone. On ne la voit guère bien d’en bas, la rue est trop étroite, mais on sait qu’elle est là, et cela suffit.