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loureux vers la mort libératrice, par qui s’ouvre l’éternité ! Ah ! C’est un grand bonheur pour lui que d’avoir été impliqué dans ce procès ! »

La dix-neuvième heure sonna, ce qui fait sept heures du soir selon la mode française ; par habitude, Della Preda leva les yeux vers le cadre que la muraille encastrait à trois hauteurs d’homme au-dessus du sol, vers la naissance de la voûte, mais il ne vit que de la nuit. Cette horloge lui mesurait le temps par des sonneries violentes comme des trompettes, et vraiment le vœu pieux du Saint-Office s’accomplissait : les mortelles heures de sa vie mortelle tombaient sur sa tête une à une, comme des balles de plomb.

Mais tout n’avait pas été prévu ! Quel moine pieux pouvait deviner que le prisonnier trouverait en lui-même des joies et des tourments tels que n’en fit jamais jaillir en nul cœur la plus délirante passion de la vénéneuse Parthénope ?

La Tour de la Croix (Torre della Croce), qui se nomme à cette heure et depuis quatre cents ans la Tour de la Proie (Torre della Preda), domine de ses créneaux tout le quartier populaire de Naples. Elle se dressait à l’extrémité d’un amas de vieilles masures qui sert encore de prison, par habitude, et à laquelle le peuple a conservé son appellation de Prison du Lévrier (Carcer del Veltro). À la fin du quinzième siècle, ces masures de reconstruction peu ancienne, avaient une apparence de château-fort et un espace de cent cinquante pieds devait rester libre entre les murailles bordées de fossés, et les premières maisons basses du faubourg.