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alors le domaine héréditaire… » C’est plus fort que moi… Un enfantillage ? Ne dites pas cela !

— « Mais je ne l’ai pas dit, l’émotion où je vous vois ne me suggère pas de tels mots. Laissons cette histoire…

— « Eh bien, reprit Sixtine, tâchez de la deviner, vous le pouvez, et je vous le permets. C’est peut-être vous qui me la raconterez. N’en parlons plus et allez-vous-en. Je me lève de bonne heure et je devrais dormir. Vous voyez que je vous traite tout à fait en ami.

Elle avait l’air si nerveux, que Hubert ne demandait pas mieux que d’obéir, ne se souciant pas de gâter sa soirée par la gaucherie d’un quant-à-soi désormais nécessaire devant une femme qui ne paraissait plus maîtresse d’elle-même. C’était le moment de la retraite ou le moment des audaces ; il prit le premier parti, le second ne lui était pas venu à l’idée. Quand il s’agissait d’autrui ou quand il réfléchissait à loisir sur ses propres aventures sentimentaires, Entragues avait une remarquable lucidité d’esprit ; devant la cause elle-même, la cause en personne, agissante et parlante, il se troublait, comme un éternel écolier, obéissait, sans se rendre compte de sa sottise, à ces fausses insinuations des femmes qui demandent une violette pour avoir une rose.

Il fit donc le mouvement de prendre congé, tout en disant :

— « Je ne voudrais pas troubler de si honnêtes habitudes.