Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/314

Cette page n’a pas encore été corrigée

de se douter que je l’aimais ! Tout, sous l’abri de métaphysiques passionnelles, se réduisait à une question d’adroite et décisive pénétration. Oui, l’amour, c’est de la menuiserie.

Et j’entre dans la grande absence, mais sans arrière-pensée. Je n’évoquerai pas les magies simplistes de Claudien Mamert, je les ai perfectionnées, mais ni de celles-là ni des miennes, je n’userai. La grande absence, comme on dit le grand désert, sans eau et sans amour. Marie l’Egyptienne y vécut quarante ans avec quatre petits pains qu’elle avait achetés à Jérusalem et où elle grignotait, quand elle avait trop faim. Moi de même, je rongerai mes souvenirs, mais sans excès et sans m’efforcer à de douloureuses représentations corporelles : je veux méditer en paix. Note bien, Sixtine, mon cher amour, que c’est de la grandeur d’âme, car je pourrais t’emporter sur mes épaules et te coucher sur le lit de ma caverne, où se voient des ossements d’hyènes mortes de faim. Tu vois que ça n’est pas gai. Aussi, je t’épargne cet exil. Pourtant, « tu dois savoir ce que c’est que la vision corporelle et tu te garderais bien lorsque tu penses à ton ami absent, de le croire réellement absent. Tu le penses et corporellement il t’apparaît, puisque c’est à son corps que tu penses (et comment le penser autrement, puisque le corps est le signe de son existence et de son humanité ? ). Et il s’érige en ta présence, et de même, à travers tous les obstacles, tu vas en sa présence et il te voit. » Et l’auteur du De Statu animæ (il fit aussi le Pange, lingua : ce n’était pas un sot), après avoir réfléchi,