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D’abord, comment je suis partie ? Ah ! ne me le demandez pas, je ne le sais plus, — mais c’est irrévocable.

Que voulez-vous ? Il m’a prise. Il fallait me prendre. Vous l’ai-je assez dit qu’il fallait me prendre et capter par de la force et de la ruse le vol de ma volonté ? Il y a de si belles stratégies qu’on se rend, non à bout de résistances, mais parce que le coup est si bien joué que cela fait plaisir. Ah ! vous croyez les femmes insensibles à l’Art ? Enfin, cela est clair : il m’a prise.

Nous valsions. Il m’emportait : Emporte-moi où tu voudras ! — C’est la première condescendance que, mentalement, je lui faisais.

C’était vers l’heure où la griserie du bal commençait à s’évaporer, à me laisser songer aux joies du sommeil. Il me demanda l’honneur (voyez, rien de prémédité, l’honneur) de me reconduire, juste au moment, où désirant partir, je craignais de partir et après l’éblouissement de me trouver seule dans la nuit. J’acceptai et l’envoyai s’assurer d’une voiture et m’y attendre. Mais il se trouva que je m’amusais encore ; il dut se passer des heures. Enfin, je m’enfuis comme Cendrillon.

Je lui avais dit d’attendre, il attendait.

Tout cela, je le crains, n’explique rien, mais la suite est bien plus inexplicable encore. Enfin, je ne veux que me justifier de tout complot et vous convaincre de ma parfaite innocence. Ce fut lui, ce pouvait être vous, — et je croyais que cela serait vous.