Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/283

Cette page n’a pas encore été corrigée

comme sous une puissance d’aimant, et vraiment le centre de mes forces est en ce cœur !

Les fils de mes jours, ce sont les cils blonds de ces yeux bleus et l’ombre blonde de ces cheveux, c’est le halo des lunes claires dont la réfulgence illumine mes nuits. »

Il en aurait dit bien plus long, car sa verbalité s’était déchaînée, mais la vision s’évanouit.

« Présage : Ah ! jolie bête ! ah ! jolie bête ! »

Puis il songea encore.

« Tout ceci a été mal conduit. J’aurais dû, ainsi que me le suggérait Calixte, destiner cette femme au rôle pur d’une Béatrice exemptée de l’œuvre charnelle, — mais elle n’aurait pas compris, étant femme : Béatrice, qui s’est prêtée à ce jeu sublime, était une créature de rêve, aux ordres du poète et le symbole même de sa pensée. Celle-ci devait tomber dans mes bras, ou bien d’autres bras l’auraient recueillie.

— Reste sur ton piédestal. C’est à genoux que je veux t’adorer, les mains tendues vers toi, éternellement.

— Non, je m’ennuie, là-haut. Adorateur, adore de plus près, adore avec des baisers.

Eh bien ! nous aurons, du moins, quelques moments d’agréable intimité et puisqu’il faut de l’objet du culte faire l’objet du plaisir, que le sacrilège soit complet et les voluptés décisives.

Ah ! je m’en donnerai sur ton corps des illusions. Excellente et noble substance, tu seras pétrie selon les plus transcendantes fantaisies ! »