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un sens clair et terrible. Vous aimez une créature de rêve que vous avez incarnée sous les apparences qui sont les miennes ; vous ne m’aimez pas telle que je suis, mais telle que vous m’avez faite. Vous n’aimez pas une femme, mais une héroïne de roman, et tout n’est pour vous que roman… je vous dirai cela une autre fois plus au long, si j’en ai les loisirs. Ah ! mon ami, il y a souvent bien du charme en vous, ah ! si vous vouliez et si vous saviez !… Faites que je vous aime assez pour me résigner à être aimée comme l’ombre mouvante d’un rêve. Faites cela… mais que sais-je, demain, je vous dirai peut-être un non tout bref ? Demain, il sera peut-être trop tard. Ne vous fiez pas, même à la plus sincère. Leur vol est aussi capricieux qu’un vol d’hirondelle : c’est ceci qui passe, c’est cela… Elles vont où leur mobilité les mène et puis… et puis elles suivent le soleil et les baisers sont des rayons fascinateurs… Trouvez-vous pas que j’ai l’air de vous faire un cours de séduction, — à mon usage. Ah ! encore, peut-être vaut-il mieux pour vous, que vous vous contentiez du rêve. Vous pouvez le manier à votre gré, tandis que moi, par exemple, j’ai beau être malléable, si j’allais me révolter contre votre candeur ? Adieu, la comtesse m’a fait un signe et vous savez que je suis sa main droite dans les grandes occasions… Adieu, Hubert, oh ! nous allons, sans doute, nous rejoindre une fois ou deux au cours de la soirée… Pourquoi pas ? nous avons tant de choses à nous dire… Donnez-moi le bras.

Etrange créature, pourtant tu m’appartiens ! Inextricable problème, je te déchiffrerai à force