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si une force magnétique et supraraisonnable avait poussé Sixtine en ses bras endormis, cette même force, selon de plus élémentaires trajets, eût, à l’occasion, joint très sûrement leurs réalités, comme elle avait joint leurs phantasmes. Il perdait jusqu’à la notion de sa philosophie, se révélait capable seulement des théories, critique et non créateur de la vie.

Que cette rencontre dans l’inconscience fût le résultat d’une hallucination toute personnelle, ou si tous les deux avaient été, en leur sommeil, sommés l’un vers l’autre par la puissance du désir, si pendant qu’elle venait à lui, lui-même, par un retour parallèle, n’était pas allé vers elle, il n’eut pas l’imagination de se le demander.

Pourtant il connaissait la valeur et la fréquence de ces mutuelles évocations et son âme actuelle était un champ de bataille où le mysticisme eût rapidement vaincu l’incrédulité.

Il s’en alla flâner le long des quais. Le soleil d’hiver souriait, le vent se taisait, des moineaux pépiaient dans les arbres sans feuilles, une tiède humidité se vaporisait dans l’air adouci.

Les livres, d’abord, passèrent devant ses yeux, comme des choses lointaines et inaccessibles, puis une reliure tenta sa main, un titre inconnu, son regard. Il sentit les premiers chatouillements de la fièvre, s’abandonna.

Maintenant, un à un, il les touchait, les ouvrait, pour acquérir la certitude du rien intérieur, se désolait qu’un agréable vêtement doré et soutaché enfermât