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prendre ! Qu’est-ce que, voyons ! de l’amour momentané au prix de la vie éternelle ?

J’étais troublé, hier, délicieusement, je dois me l’avouer, mais quoi ? c’est maintenant et non hier que je m’en suis aperçu. Hier je jouissais, oui ! dans une parfaite inconscience : il m’a fallu sortir du parterre fleuri pour sentir le parfum des fleurs.

Il est vrai que je les avais respires d’avance. Ah ! je m’en souviens. Ce n’était pas un parterre, c’était une forêt, ce qui revient au même : on peut se tromper de symbole.

Donc, il n’y a pas de présent. Mon arithmétique se simplifie. Donc ; l’avenir est incertain, puisque croyant pénétrer dans la sauvage inculture d’une forêt un peu désordonnée, je me suis trouvé dans les allées polies d’un joli petit parterre : nous y fûmes très sages, nous ne foulâmes point, d’un pied distrait, les plates-bandes et nous respirâmes les odeurs agréées par l’horticulture, avec des gestes d’assentiment très convenables. Donc, le passé seul a quelques chances d’existence.

Voilà la question réduite à la plus simple unité et la voici : cela vaut-il la peine de voyager pour avoir des souvenirs ? Tous ceux qui sont allés à Constantinople ou aux Gobelins peuvent répondre.

Mais pour revivre, il faut avoir vécu.

Est-ce moi qui vient de parler ? j’avais cru entendre une voix oraculaire.

N’importe, le point de départ de ma logique était faux, car la conclusion est absurde.

Nous sommes dans les imaginaires, c’est-à-dire