Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un peu, Sixtine marcha vers la lumière d’une clairière voisine, au bas de l’avenue.

Là, des chênes et des hêtres, le feuillage éclairci déjà, se groupaient en une étroite futaie.

Le vent passa, remuant les feuilles sèches.

Une branche basse et lourde plia avec le bruit d’un large froissis d’étoffes.

Une feuille, comme une goutte de pluie, des feuilles tombèrent en un lent bruissement.

— « Elles me suivent ! Elles me poursuivent ! » criait-elle, prise dans le tourbillon qu’elle fuyait en vain.

Et emportée, de même qu’une feuille, au vol circulaire des feuilles, elle revint égarée et haletante prés d’Entragues, criant toujours :

— « Elles me poursuivent, les feuilles, les feuilles mortes !

— « Qu’y a-t-il donc ? » demanda Hubert à son tour, surpris d’une si étrange crise.

Froidement il ajouta, pendant que, tremblante encore, elle saisissait son bras et s’y appuyait, affolée :

— « Vous n’avez pourtant pas de crime dans votre vie ? »

Cette ironique interrogation, comme une brûlure à la pierre, changea la nature de la fièvre :

— « Peut-être ! répondit-elle, soudain pâlie.

— « Alors, vous devenez tout à fait intéressante. »

Relever cette impertinence était au-dessus de ses forces. Avec un tremblement de tous les petits muscles, et sans savoir pourquoi, elle essayait de se