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anges, ne se prononce pas d’une façon péremptoire. Il note que d’aucuns, ayant failli, furent expédies « dans le siècle » et remplacés au concert céleste par les plus méritoires virginités. Comment ont-ils failli, et cette expression ne doit-elle pas s’entendre delà chair ?…

— Ah ! mon ange ! cria la Novella.

Ou bien sont-ils, comme leur nom, épicènes. Cette opinion fut soutenue, mais je la crois hérétique, car ces vases de pureté, se trouvant doués des deux sexes, auraient trop de tentations et trop sous la main. Tertullien, de même qu’Origène, leur accorde un corps ; cela, je le sais, je le vois et qu’ils en font un profane usage.

Ah ! je vais perdre bien de mes illusions sur les anges : il faudra que je soumette le cas au padre qui m’enseigna la théologie…

Si je me souviens de mon livre d’heures, n’est-il pas écrit en l’office de Sainte-Cécile : « Valérien trouva Cécile priant avec un ange dans son lit. » Cécile, d’ailleurs l’avait prévenu : « Il y a un secret, Valérien, que je veux te dire : j’ai pour amant un ange de Dieu, qui avec une extrême jalousie veille sur mon corps. » Oui j’ai lu cela dans mon livre d’heures, pages sacrées que ne doit pas même effleurer l’irrespect. C’étaient des amours saintes, et saintes aussi, sans nul doute, celles qui m’oppressent le cœur. Pardon, madone ! Pourtant tu me fais souffrir et tu me fais pleurer, je n’ose plus, honteux du spectacle qui a troublé mon âme, lever mes yeux malhonnêtes vers tes yeux béatifiés. Tu fais ce que tu veux,