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plaisir qui depuis s’est toujours associé en moi, à la contemplation de deux yeux pareils aux yeux de la Madone de Masolino da Panicale. »

Entragues en finissant s’aperçut que Sixtine les avait, ces yeux tout pareils ; il s’agenouilla et dit :

— « C’est donc pour cela que je vous aime, Sixtine, et que je vous aimerai toujours !

— « Je vous en prie, relevez-vous et rendez-moi mes mains !

— « Laissez-les-moi, laissez-moi vous aimer. Ah ! vous n’êtes pas indifférente, ce n’est pas possible.

— « Mais, reprit Sixtine, je suis surprise… Vous me contez une anecdote très intéressante, très curieuse, moi j’écoute sans défiance et voilà que cela se termine par une déclaration… C’est très imprévu… Voyons asseyez-vous et causons en paix… Je ne veux pas vous décourager, ce n’est pas mon rôle, et d’ailleurs je tiens à être sincère… Si je vous aimais je vous le dirais, ce serait même une belle occasion… Franchement, je n’ai pas senti ce petit mouvement, ce petit rien… Enfin comment dire, je suis très inexpérimentée… Cela viendra peut-être, une autre fois. Allons, vous recommencerez, partie remise… Je ne demande pas mieux, moi que d’aimer, au contraire… J’ai l’âme vague et vide, il y a une place à prendre, c’est vrai, mais il faut la prendre… Comment ? C’est votre affaire… Et puis, vous savez, pour moi, aimer, ce serait l’éternité… Alors, de tels liens, cela ne s’improvise pas. Il est nécessaire de se connaître, de s’apprécier, de s’être raconté un peu sa vie passée,