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permission, était parti, comme un étourdi, sans prévenir le valet chargé du service. Le seigneur prisonnier voudrait bien lui pardonner ?

— « C’est bien, Veltro, je vous pardonne. Vous n’êtes pas méchant et je crois que cela ne vous arrivera plus, quand je vous aurai dit que j’ai beaucoup souffert. »

Il montait lentement, comme à une joie certaine, fermant à demi les yeux sous les caresses prolongées du désir, comptant les marches, frissonnant à l’approche de la dernière et trente-troisième.

Un soudaine inquiétude arrêta son habituel élan vers l’appui des créneaux : il avançait pas à pas, hésitant, avec les gestes de l’étonnement et de la déception.

— « Pourtant c’est elle, c’est bien elle, et je ne la reconnais pas.

— « Rassurez-vous, seigneur, il n’y a pas de mal, au contraire. On lui a mis sa robe d’été, voilà tout. La Novella fait sa toilette aux quatre saisons. C’était donc fête aussi, par ici ! Ah ! si j’avais su ! Mais qu’elle est belle ! Elle est belle comme une reine. »

Oui, elle était belle, mais Guido fut un bon moment avant d’admettre cette transmutation à laquelle il n’avait point participé. Tout triste, il regardait la nouvelle Femme, tout triste et les yeux pleins de reproches :

« Est-ce qu’il y a des saisons pour mon amour ? Est-ce qu’il y a des jours, est-ce qu’il y a des heures ? J’aimais la robe couleur de ciel que tu avais revêtue pour notre rencontre première ? Pourquoi donc l’as-