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fut un génie corse, mais il est évident qu’il ne fut pas Napoléon parce qu’il était corse ; il n’y a aucun rapport sérieux entre les deux termes. Si milonais que fût Racine, et M. Masson-Forestier nous montre que tel était bien son caractère, sa naissance à la Ferté-Milon, loin d’expliquer son génie, ne fait que poser un terme de plus au mystérieux problème. Si par hasard on démontrait qu’il faut être né à la Ferté-Milon, vieille ville cléricale (au sens premier du mot), pour écrire Athalie, il ne s’en suit pas que cette Athalie dût être un chef-d’œuvre ; si Racine n’avait pas écrit cette tragédie, il en eût écrit une autre, qui eût pareillement été parfaite, — et l’explication n’a pas fait un pas. Je veux bien que la Ferté-Milon explique les qualités et les défauts secondaires de Racine, mais son génie échappe à la formule. C’est pourquoi je ne donne pas une grande importance à ces recherches d’origine ; si un homme se distingue, c’est presque toujours contre sa race, contre sa famille, contre son milieu, qui le méconnaissent parce qu’il n’en partage pas les préjugés, parce qu’il échappe à leur esprit, parce qu’il contredit leur sentiment général de la vie. Ces conflits sont vulgaires, tout le monde en a des exemples caractéristiques dans la mémoire.

J’en dirai autant de l’éducation. Elle est souveraine pour former des types moyens, conformes à l’intelligence de la race ou qui ne la dépassent que