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VIEILLES CHOSES



11 décembre 1914.


Il y a une grande mélancolie à feuilleter les publications et les revues de tout genre qui parurent au moment où la guerre éclatait, quelques-unes même après l’ouverture des hostilités. Elles nous semblent vieilles d’un demi-siècle, c’est-à-dire deux fois vieilles, car les choses de l’esprit rajeunissent en s’éloignant vers l’ancienneté. Quoi ? C’est de cela que nous nous occupions quand la bataille allait s’engager autour de nos destinées ? Quelles futilités ! Et cependant, ces questions abolies, comme on les regrette et comme on voudrait que le moment fût revenu de nous y intéresser encore ! Comme elles nous semblent heureuses, les époques où nous discutions sérieusement de l’avenir du cubisme ou des mérites respectifs du vers libre et du vers régulier ! Il fut un moment, au mois d’août, où je crus fermement que tout cela était fini, à tout jamais, qu’il ne serait plus jamais question ni d’art, ni de poésie, ni de littérature, ni de science même, mais je crois bien que j’exagérais.