Page:Gourmont - Pendant l’orage.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LES OTAGES



14 mars 1915.


Qu’une armée envahissante fasse des otages civils, cela se comprend à la rigueur, mais quel besoin est-il de les maltraiter, de choisir des vieillards infirmes et de les faire marcher à coups de crosse au pas accéléré d’un cheval, de choisir des femmes et de les entasser dans des chariots ou des wagons sans leur donner à manger, de tirer de temps en temps dans le tas un coup de revolver, de faire souffrir enfin ces innocents par tous les moyens dont peut disposer un soldat brutal ? Ce sont des crimes et non des crimes imposés par la guerre aveugle, mais des crimes d’élection, des crimes perpétrés avec autant de sang-froid que de stupidité. Un de leurs raffinements semble avoir été de séparer les mères de leurs enfants et d’ajouter ainsi à la torture physique un supplice moral presque insupportable. Mais peut-on vraiment considérer comme des otages, ces gens emmenés en Allemagne sans autre but que de les faire souffrir, puisque souvent on les arrachait d’un village que