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muses d’aujourd’hui

dont le flux laisse en nous une émotion très subtile :

Aux eaux douces du songe où longuement s’attarde
Notre langueur,
Fantômes incertains, lorsque je vous regarde
Avec douleur,

Écartez les linceuls qui me cachent votre âme
Sous tant de plis ;
Car le temps, vieux tisseur, a mêlé dans leur trame
Beaucoup d’oublis.

. . . . . . . . . . . . . . . .

Mais, sur l’onde où déjà le charme de cette heure

Est effacé,
La rame qu’on relève et qui s’égoutte pleure
L’instant passé.

Ici, une image visuelle s’associe à une pensée abstraite : on voit l’une, on songe l’autre, et le mouvement des vers les mêle et les anime.

Cette poésie s’enfonce jusqu’à l’âme comme un baiser : on la sent s’insinuer en soi, et c’est