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dent les morts debout jusqu’à la chute en poussière.

« Ils se flattent de leurs longues branches pour s’assurer qu’ils sont tous là, comme les aveugles. Ils gesticulent de colère, si le vent s’essouffle à les déraciner. Mais entre eux aucune dispute. Ils ne murmurent que d’accord.

« Je sens qu’ils doivent être ma vraie famille. J’oublierai vite l’autre. Ces arbres m’adopteront peu à peu, et pour le mériter, j’apprends ce qu’il faut savoir :

« Je sais déjà regarder les nuages qui passent.

« Je sais aussi rester en place.

« Et je sais presque me taire. »

Quand les anthologies accueilleront cette page, elles n’en auront guère d’une ironie aussi fine et d’une poésie aussi vraie.