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L’année suivante, je perdis mes deux protecteurs, ma mère et mon mari, enlevés par la terrible épidémie du choléra, qui sévit à cette époque. Je restai seule avec un bébé naissant. Si je ne suis pas morte de désespoir en ces terribles heures, je le dus à un bon religieux, qui ne m’abandonna jamais, me secourut, me raffermit dans la voie du devoir, me trouva des leçons et parvint à placer mon enfant chez une bonne nourrice. Malgré mes soucis, j’avais gardé ma voix, j’aimais ardemment mon art, et pour me faire mieux connaître et apprécier, mon protecteur me fit chanter plusieurs fois dans les concerts de charité. J’y remportais toujours un éclatant succès. Mes recettes étaient superbes. Avec quelle joie je me voyais utile et en mesure de rendre un peu aux bonnes œuvres du religieux le bien que j’avais reçu de lui !

Un jour, après une séance de musique spirituelle, où j’avais mis toute mon âme dans un chant divin, mon saint ami vint me trouver :

« Rita, me dit-il, une chance inespérée s’offre pour vous. La princesse Rosaroff était avec son fils dans l’assistance que vous avez charmée hier au soir. Depuis plus d’une année, elle assiste à tous nos concerts et elle est une des bienfaitrices de nos associations. Quoiqu’elle soit schismatique, j’ai pour elle une profonde estime, et je ne désespère pas de la voir un jour convertie. Son fils unique, qui ne la quitte jamais, et qui est lui-même une âme d’élite, a été profondément touché de vos accents ; ils demandent tous les deux à ce que je vous conduise à leur hôtel.

— Dans quel but, mon Père ? Je ne doute pas que sous votre sauvegarde, je ne doive accéder au désir de la princesse ; mais j’ai peu de temps, vous le savez ; mon enfant, que je viens de reprendre, a droit à tous mes