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sa douceur : rien n’est joli comme ce repos confiant. Je vais partir, Madame, vous dire au revoir, vous me permettrez, j’espère, de venir vous saluer avant de quitter vos grèves.

— Bien volontiers. »

Et il s’en alla à regret, l’âme retenue en arrière par un puissant aimant.

Très peu d’eau restait encore sur la jetée. Il se mouilla à peine. La nuit superbe et tiède le ravissait. La lune montrait ses cornes derrière les remparts de Saint-Malo, et il trouvait, en ce tableau merveilleux, la poésie d’une inconnue songerie.

Hans Hartfeld n’avait jamais encore pensé au mariage. Au sortir du lycée parisien, son père l’avait incorporé dans une Ecole militaire allemande. Là, il avait appris l’art de la guerre, absorbé par des travaux stratégiques, naturellement porté aux luttes guerrières, enthousiasmé des progrès de son pays en cet air sanguinaire. Habitué de la cour, il n’avait jamais eu la connaissance des mœurs simples. Il vivait, depuis la mort de ses parents, tantôt dans ses garnisons, tantôt dans son magnifique château de Rantzein, qu’entretenait avec un luxe princier sa sœur Edvig. Cette sœur aînée avait renoncé au mariage pour garder son autorité de femme libre, indépendante, sans maître.

Elle tenait la maison de son frère avec la perfection d’une créature supérieure par l’intelligence et assez dénuée de cœur pour n’avoir aucune pitié, aucune complaisance pour les subalternes, et être irréprochablement servie.

Hans aimait sa sœur sincèrement, mais un peu craintivement, et s’il ne s’était pas marié, lui non plus, c’était par peur d’amener en la demeure filiale, une rivale, en tous cas une associée.

Edvig aimait extrêmement Hans, le traitant toujours en petit frère, le dorlotant, le soi-