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— Agissez, Monsieur, à votre loisir ; je ne reçois personne d’habitude, je vis isolée avec ma famille, mais puisque vous avez pris la peine de monter jusqu’à nous, vous pourrez juger d’une vue unique.

Rosalie, accompagnez Monsieur. »

Michelle avait reconnu de suite le promeneur de la veille, et un peu honteuse de son étrange tenue, elle avait hâtivement baissé sa jupe et lâché ses arrosoirs. L’étranger suivait la servante. En passant devant la jeune fille, il la salua profondément, comme s’il se fût incliné devant une reine déguisée.

Rosalie, tout à son rôle de cicérone, très alléchée par la pensée du pourboire, s’épandait en explications, mêlant les siècles et les rois : elle racontait l’histoire de Huc de Caverley, venant en Rance, avec ses navires, et luttant contre la France sous l’œil de Bertrand Duguesclin qui, du haut des remparts de Saint-Malo, admirait son ennemi.

Elle parlait du Prince Noir, d’Arthur de Bretagne, de Fernand de Rodays fondant Dinard : elle montrait la tourelle pointue de l’un et la villa de l’autre ; elle brouillait pas mal l’histoire avec un superbe aplomb, et lui écoutait gravement, interrogateur, quand elle venait à se taire, mais alors il changeait de sujet.