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d’une famille, d’un foyer personnel où elle serait la reine entourée de jolis enfants. Et quand vint le soir, rose, mais presque heureuse, elle mit ses doigts dans la rude main du jeune homme.

Il s’inclina très bas, trop sincère pour être gauche, et le merci qu’il prononça venait du fond de l’âme.

Les préparatifs du mariage ne furent ni longs, ni difficiles ; les de Caragny n’invitèrent personne de leur famille haut titrée.

La mort d’aucun des bœufs de Pierre ne paya le plaisir d’un festin.

On s’en alla prier au pied de l’autel, M. le curé de Saint-Enogat bénit les deux jeunes têtes inclinées devant lui. Il dit : « Dieu vous unit pour la joie et la peine, soutenez-vous l’un l’autre, vivez avec la paix et élevez une famille dans la crainte du Seigneur. »

Quand la marquise et ses enfants se retrouvèrent seuls au vieux donjon le soir du mariage, Pierre, digne et simple, alla s’asseoir près de celle qu’il avait le droit désormais d’appeler sa mère, et il lui prit la main affectueusement :

« Permettez-moi, Madame, d’agir en fils près de vous ; je voudrais, avant de partir pour Paris avec ma femme — il dit ces mots avec une indicible fierté, — être sûr que vous ne souffrirez pas de… de…

— Oh ! achevez, de la misère. Je n’ai pas de honte, mon enfant, d’une affliction qui n’est pas une faute. La mort de mon mari, le vaillant colonel de Caragny, m’a laissé pour tout bien une très mince retraite qui ne pouvait suffire pour ma fille, moi et notre fidèle servante Rosalie. L’entretien de la