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Les meurtrissures de la vie, elle les connaissait toutes. L’expérience cruelle l’avait heurtée de ses angles aigus, elle se débattait seule désormais entre les vagues furieuses comme un pauvre navire démâté, sans gouvernail et sans pilote, mais que guide toujours l’étoile des croyants.


VII


Michelle, évitant le sable des allées qu’auraient fait craquer ses pas, marchait sur le bord des pelouses. Les dogues lâchés vinrent à elle, gambadant, flairant leur ancienne amie. Elle leur fit l’aumône d’une caresse et s’enfonça dans le parc, comme Georges Rozel et Minihic jadis… Aucune sentinelle n’errait plus aux entours. La poterne du fond du bois devait être ouverte, Mina l’avait promis et la lune sereine éclairait la nuit… une petite ombre derrière la sienne sautillait de massifs en massifs et le bruit de sa course était couvert par les bonds des molosses.

La porte, en effet, n’était que poussée, la nuit, très épaisse sous les grands lierres de ce quartier isolé du parc, ne laissait rien distinguer de l’entourage, et, tout à coup, Michelle tressaillit : la porte s’ouvrait sans qu’elle la touchât, quelque chose fuyait devant elle, un chien sans doute.

Elle referma. La clé était à la serrure, elle la fit jouer, puis la lança dans le parc par-dessus le mur. Elle était sortie ! Que faire maintenant ? Retourner coucher au village ? non ; elle ferait mieux de prendre le train de France tout de suite ; mais combien elle était lasse ! ses jambes avaient peine à la soutenir, elle s’affaissa sur l’herbe contre la porte fermée… alors deux petits bras l’entourèrent. Elle crut rêver.

« Je ne veux plus te quitter, où tu iras