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Sa mère alla près de lui. Elle le contempla les mains jointes, muette d’émotion, n’osant troubler ce repos. Elle se pencha, effleura le front de l’enfant avec d’infinies précautions. Lui ne s’éveillait pas, il balbutiait des mots dans l’agitation de son rêve, des phrases hachées sortaient de ses lèvres :

« Je l’ai pris… le drapeau français !

— Comme tu es Allemand, soupira la mère, tu es le portrait de ton père, oh ! mon chéri, tu ignores ma présence près de toi ! »

Elle se retourna pour aller à Heinrich.

Le petit, assis sur son lit, comme en extase, la fixait, silencieusement, les bras étendus vers elle.

Elle s’élança, l’étreignit, tandis que, s’accrochant à elle :

« Oh ! toi, enfin ! J’ai cru à une vision tout à l’heure ; mais, non, je te tiens, mère, tu ne me quittes plus. »

Elle s’était assise sur le bord de la couchette, en proie à une telle émotion que les sons ne pouvaient venir à ses lèvres.

« Pourquoi tu nous as quittés ? reprenait Heinrich.

— Parle bas, mon trésor, je suis obligée à me cacher pour t’embrasser, on est si méchant, si injuste pour moi ! Tu penses bien que si je suis partie c’est qu’on m’y a forcée !

— Tante Edvig est une méchante !

— Il faut prier Dieu de changer son cœur. Elle t’aime toi, ton frère et ta sœur avec un grand dévouement.

— Moi, j’aime ma maman. Je n’ai plus de papa, alors je veux aller avec ma maman.

— Mon mignon aimé, on m’a mise hors de la voie. On t’a dit que j’avais mal fait, que j’avais trahi ton père et vous ; ne le crois pas, ne le crois jamais ; explique-le à Wilhem. Si, en ce moment, je devais paraître devant Dieu, je le jurerais. Crois-le, mon fils, toute