Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/219

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’a plus maintenant trace de fenêtre. Les quatre vents s’y croisent en hurlant. Là-haut à la crête du donjon, on a blanchi à la chaux un circuit de la tour, pour en faire un signal maritime. De temps à autre, une pierre de granit dégringole dans la mer, tous les oiseaux de la côte s’y logent à l’abri.

Le froid est effrayant, le matelot cache ses mains saignantes, enfonce son béret sur ses oreilles et les yeux sur l’horizon houleux, il reprend le chemin de son foyer.

En haute mer, une colonne de fumée nuance en noir le clair ciel de gelée.

« Un croiseur, » se dit Lahoul.

La maisonnette du pêcheur est bien close : des paillassons du côté de la côte abritent le jardin, une haie de tamaris brise le vent.

Il éprouve un bien-être, en pénétrant dans le modeste enclos, une sensation de repos, hors de cet air violent et glacial.

Dans la cuisine qui occupe tout le rez-de-chaussée de l’immeuble, devant un feu où brûle parmi quelques bûches, du goémon séché, des galettes de blé noir épandent un parfum chaud.

Pendant que la mère les tourne, sa fille dispose le couvert pour le souper. Yvonne est grande maintenant : elle a seize ans, elle est la joie de la maison.

À la vue du pêcheur, elle court à lui, le débarrasse de son filet.

« Tu es gelé, père, chauffe-toi, dit-elle gentiment.

— Non, non, je suis bien, moi. Je songe à mon pauvre gars, qui couche dehors par des nuits pareilles ! »

Tous y songeaient, hélas !

« Il est temps de souper, reprit la jeune fille, je vais chercher Mme Carlet. »

Elle monta l’escalier de bois montant à