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« Si je ne craignais, dit-elle à sa belle-sœur, que mes pauvres blessés allemands ne soient soignés par des mains rancunières, je vous prierais de changer de salle avec moi, Michelle.

— Vous m’avez dit le soir de mon arrivée, Edvig, tous les blessés sont frères. Or, c’est absolument mon sentiment ; les vôtres pourraient compter sur moi.

— Je vous assure que je le crois, mais, à leur égard, il serait un point forcément négligé par votre immense charité.

— Lequel donc ?

— Le secours pour la fuite. Eux n’en auraient pas besoin.

— Je n’ai fait échapper personne.

— Non, mais vous avez laissé faire. Il y a plusieurs manières d’aider les gens, en leur tendant la main et en fermant les yeux.

— Ne soyez donc pas méchante, ma sœur. Prenez, je vous en prie, un instant ma place. Patriote ainsi que vous l’êtes, que ne souffririez-vous pas ? »

Edvig réfléchit un instant.

« Je serais du pays de ceux que j’aime, du côté de mon mari et de mes fils. Je n’enverrais pas, le sachant sur la brèche, des fusils contre le père de mes enfants. »

À ces mots, Michelle pâlit affreusement.

C’était vrai, en somme ; Hans était là-bas, au-devant des balles françaises. Ah ! c’était à devenir folle, en vérité.

Heinrich, avec son instinctive tendresse, vint mettre ses petits bras autour du cou de sa mère, tandis que Wilhem bondissant de sa chaise, courait saisir sa petite carabine-joujou.

« Je cours défendre papa, moi ! »

Edvig se leva, reprit l’enfant, le calma, le