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vie d’aventures à laquelle sa vocation de missionnaire le conduirait, et il était heureux de s’aguerrir. Le bateau était monté par des paysans alsaciens, qui ne firent aucune difficulté de recueillir les fugitifs. Au contraire, ils leur offrirent les quelques provisions qu’ils avaient avec eux. Ces pauvres gens pleuraient leur maison incendiée, leur récolte perdue. Et ils allaient près de Bellerive, dans leur famille, chercher du travail, un abri, un moyen de ne pas mourir de faim, sur leur terre désolée d’Alsace.

Quelques heures plus tard, les deux Français abordaient sur la rive gauche du Rhin, en Suisse !


XV


Michelle, après avoir vu la paix descendre, avec le sommeil, sur ses pauvres compatriotes blessés, était remontée à son appartement. Suivant l’habitude, elle avait embrassé ses enfants endormis, calmes et beaux, et un instant, rêveuse et solitaire, elle s’était accoudée au balcon.

Les fraîcheurs d’automne montaient des bois, les feuilles commençaient à tomber ; la nature, lasse de son effort, épuisée par la production des feuilles, des fleurs et des fruits, se reposait dans l’attente de l’hiver, l’hiver hâtif des pays de l’Est.

Michelle pensait à Hans sans cesse en danger ; elle passait en revue ses affections et, devant le nom de presque toutes, se posait un point d’interrogation anxieux.

Sa mère, dont pas une réponse ne lui venait, était-elle restée à Saint-Malo ? Elle le souhaitait vivement, ce pays étant encore préservé de l’invasion. Lahoul et Rosalie auraient soin d’elle.

Rita et Alexis écrivaient parfois d’une escale quelconque. Ils ne s’éloignaient guère des côtes de Belgique et de France, tou-