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« Où sommes-nous ?

— À Rantzein, mon capitaine.

— À Rantzein ! je suis donc encore fou ?

— Mais non, mon capitaine, vous n’avez plus du tout de délire, à peine trente-huit degrés de température au thermomètre. »

Georges avait caché sa tête dans ses mains. Il écartait ses doigts, ainsi qu’un enfant, et glissait un regard curieux vers cet entourage étranger.

Près de la fenêtre, le pur profil de Michelle se dessinait amaigri, pâli, mais idéalisé.

« Et alors, continua Rozel, montrant la jeune femme, cet ange là-bas… qui se penchait sur nos lits ?

— C’est la protectrice des Français à Rantzein, mon capitaine. Sans sa douceur, sans sa bonté, il y aurait ici d’autres pleurs et d’autres gémissements, croyez-le ! Grâce à elle, les Français sont traités aussi bien que des Prussiens. Ils ont tout ce qu’il leur faut. Voyez, on ne parle pas allemand, dans cette salle, et là-bas sur la console, il y a une statue de la Vierge.

— En effet, alors… nous sommes chez des Allemands ?

— Oui, le général combat contre nous ; mais sa sainte et digne femme répare ici, dans la mesure de ses forces, le mal commis.

— La comtesse Hartfeld ! exclama Georges, soudain éclairé, la comtesse Hartfeld ! mais elle nous a trahis…

— Elle ! vous blasphémez, mon capitaine ; si elle vous entendait ! Allons, vous retombez en délire.