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— Comme tu es gentille ! viens donc avec moi ?

— Impossible, mon mari m’attend, mais il a pensé à vous avant de partir : il vous envoie ce chèque à valoir sur une banque de Saint-Malo.

— Pourquoi avez-vous choisi Saint-Malo ?

— Parce que c’est notre pays. J’ai cru que vous seriez bien aise d’aller prier sur la tombe de grand’mère. »

Mme Carlet réfléchit. En effet, elle devait à sa mère cette marque de respect.

« Eh bien, mais, fit-elle joyeuse comme une enfant, je pars de suite, le temps d’emplir une malle.

— Mère, je ne le puis, mais je voudrais bien, moi aussi, aller prier là-bas. Voulez-vous faire une prière pour moi ? Lahoul doit entretenir la tombe. Et cette pauvre vieille ruine, notre berceau, mère, allez-y. Il doit y traîner encore de chers souvenirs…

— Nous avons tout déménagé, répondit Mme Carlet, qui ne saisit pas la pensée de sa fille. Quand pars-tu ?

— Aujourd’hui ou demain. Voulez-vous que je vous accompagne à la gare, au train de Bretagne, ce soir ?

— Bien volontiers.

— Je vais aussi télégraphier à Lahoul pour qu’il aille au-devant de vous et retienne à l’hôtel votre appartement. »

Michelle embrassa sa mère ; elle avait peine à parler. Ses larmes l’étouffaient, mais elle ne pouvait rien expliquer à cette pauvre femme, qu’une grande douleur, jadis, avait refaite enfant.

Alors elle repartit seule… paria de nations ennemies.