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« J’ai tort de ne pas vous emmener tous, fit-il ; que sont les choses matérielles auprès du déchirement de nos âmes ! »

Les petits garçons enlaçaient leur père, devinant un malheur. Soudain, le timbre du dehors vibra, et presqu’aussitôt un homme s’élançait dans la chambre. C’était le prince.

« Ah ! fit Hans avec soulagement, poussant les siens dans les bras ouverts d’Alexis ; défends-les. »

Alexis embrassa son cousin.

« Pars, dit-il, et que rien ne t’alarme. Mon yacht est à Rouen. Demain soir, nous prendrons la mer. »

Le colonel s’enfuit. Vingt minutes restaient encore avant le départ du train, il brûla le pavé et sauta sur le quai de la gare de Strasbourg deux minutes avant l’heure réglementaire. Le guichet était fermé. Il courut quand même, jeta un billet bleu et obtint le passage. Le quai était encombré de bagages, les voyageurs semblaient pris de fièvre, pourquoi ? — Une transe était dans l’air et ceux qui fuyaient ainsi ne parlaient qu’allemand.

Michelle passa la nuit en préparatifs. Forcée d’agir, elle pensait moins ; au jour, elle se jeta brisée sur son lit, s’éveilla à huit heures et se mit au travail. Le bureau de son mari la retint.

Le tiroir secret avait sa clé maintenant ; elle l’ouvrit ; des feuilles blanches y traînaient seules. Elle en prit une et écrivit un mot d’adieu à l’abbé Rozel, puis, appelant Minihic :