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s’envelopper de bijoux et de dentelles. Elle la savait si peu responsable, qu’elle cédait à tous ses caprices, la gardait dans son salon, entre ses bibelots et ses plantes rares.

Wilhem et Heinrich trottaient par la maison, bruyants, robustes, rieurs et charmants. Wilhem mettait aux mains de son frère, encore vacillant sur ses jambes, un court fusil de bois et jouait à l’exercice inlassablement, né pour la lutte, fils de soldat.

Le petit obéissait, fatigué parfois, et se sauvait, quand il pouvait, dans les coins pour regarder des images ou faire avec des fleurs des mois de Marie, ainsi qu’il avait vu sa mère en installer au mois de mai.

Hans Hartfeld arriva ce soir-là juste pour se mettre à table. Il avait eu une journée fatigante étant allé au camp de Châlons, et il revenait, très heureux de se retrouver chez lui, d’embrasser ses enfants qui couraient à lui.

« Ah ! dit-il, comme on est bien ici ; comme c’est bon le foyer ! En quittant mon pardessus à la porte, il semble que je quitte mes soucis, mes affaires préoccupantes. Dehors, quand c’est très dur, très pénible la lutte diplomatique, je pense au soir, au retour et je prends courage. C’est bien une création divine la famille.

— La famille et la patrie, fit Michelle.

— La patrie, c’est notre terre entière, dit Georges Rozel. Le Christ est mort pour tous les humains.

— Sans doute, fit Alexis ; mais la patrie est la représentation de la famille et nous avons envers elle des devoirs spéciaux. « Rendez à César ce qui est à César. » À propos, Hans, remarquez-vous à quel point s’assombrit notre horizon politique ? »