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— Je ne partage pas votre opinion. À chaque jour suffit sa peine, Hans. Nous avons à présent un répit, une paix, jouissons-en mon ami, n’endeuillez pas d’appréhensions, peut-être vaines, les meilleures heures que j’aie jamais connues, cës heures bénies où vous êtes vous-même tout à moi, tout à nous. »

L’émotion de Michelle transparaissait dans sa voix et ils se turent longuement, chacun suivant sa pensée intime.

L’été ramena Edvig et avec la querelle latente que la moindre étincelle faisait éclater, Michelle avait sans cesse le cœur serré, l’appréhension d’un perpétuel combat. En l’absence de sa belle-sœur, elle avait tenu la maison avec une irréprochable régularité. Au lieu de s’être fait craindre, elle s’était fait aimer et le service n’en avait nullement souffert.

Hans, qui partageait les idées de sa femme au point de vue de la bienveillance que les maîtres doivent aux subalternes, eût désiré ne pas voir la direction changer de main ; mais il n’osa le dire, et, dès le soir de son arrivée, Edvig s’installa à la place d’honneur, tandis que Michelle, sans un mot, se mit au second plan. Elle renvoya sagement à sa belle-sœur les gens qui venaient lui demander des ordres, et elle supporta, sans rien dire, les critiques de son administration temporaire. Beaucoup d’invités vinrent au château.