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laissa abattre et, à son tour, tomba gravement malade d’anémie cérébrale.

Le bon curé de la paroisse, celui-là même qui avait consolé les derniers moments de Pierre Carlet, obtint d’une de ses paroissiennes, riche et charitable, qu’elle payât la pension de la pauvre veuve dans une maison de santé, et il écrivit à la marquise de Caragny pour la prier de se charger de sa petite fille, la famille paternelle se bornant à d’éloignés cousins.

Par le courrier suivant, une lettre arrivait signée de la grand’mère :

« Je ne puis m’absenter, Monsieur le curé, étant obligée à la plus stricte économie, mais envoyez-moi Michelle, je l’attends. En la recommandant au chef de train, elle m’arrivera à bon port. L’express de Paris-Saint-Lazare, qui part à 8 heures du matin, est direct pour la Bretagne ; je ferai prendre ma petite-fille à la gare de Saint-Malo à 4 heures.

Croyez, Monsieur le curé, à mon profond respect et à ma vive reconnaissance.

Marquise de Caragny. » 

Mme Carlet, inerte, les yeux secs, regarda vaguement les apprêts du départ de sa fille ; elle-même se laissa mener où l’on voulut, et ce fut l’obligeant prêtre, celui qu’on trouve toujours dans les moments de détresse, qui se chargea de conduire l’enfant à la gare.

« Tu vas aller rejoindre ta grand’mère, ma fille, sous la conduite de ton ange gardien ; tu seras bien sage et tu te tiendras tranquille dans le wagon.

— Oui, et maman ?

— Ta mère est malade, nous allons la soigner et nous te la rendrons guérie.

— Et papa ?

— Ton père est au ciel auprès du bon Dieu et veille sur toi.