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LE COUVENT,

enfance, ſais-je quelle eſt ma famille ? pourquoi m’a-t-elle rejettée de ſon ſein ? Sont-ce mes parens qui me tyranniſent ? Ne dois-je les connoître qu’à leur perſécution ? & ſi je n’en ai point, ſi je ſuis laiſſée aux ſoins de la Providence, qu’importent mes vœux à la nature entière ?… Oh ! ma mère, qui que vous ſoyez, ſi vous vivez encore, que ne paroiſſez-vous pour m’arracher à mes oppreſſeurs.

Sœur Angélique, la ſerrant avec une vive émotion.

Ma fille ! ma chère fille ! (elle s’arrache de ſes bras, & à part) mon ſecret alloit m’échapper. Frère inhumain ! ton ame de tigre s’amolliroit peut-être ſi tu étois témoin de ces combats de la nature.

Julie.

Et vous auſſi, mon unique appui, vous vous éloignez de moi. J’étois ſi bien contre votre cœur ; pourquoi m’en repouſſer ? Je ne ſais quel charme m’y attire. Ah ! laiſſez-moi me livrer à ces embraſſemens qui allègent le poids de ma déplorable exiſtence.

Sœur Angélique.

Oui, mon enfant, prends confiance dans une amie plus malheureuſe que toi.