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Le Comte.

Je ſuis de votre avis.

Madame de Valmont.

J’aime mon frere, quoiqu’un ſort cruel, comme vous le ſavez, empoiſonne en moi le charme de l’amour fraternel. Victime du préjugé, mon pere m’oublia au berceau, & le tems acheva d’affoiblir ſa tendreſſe paternelle. Mon frere poſſede ſa fortune, ſon nom ; il ne me reſte de ce grand homme, qui nous donna l’être à tous les deux, que l’élévation de ſon ame & quelques étincelles de ſon génie.

Le Comte.

Vous êtes ſa vivante image, vous avez ſon eſprit, la nobleſſe de ſes ſentimens ; mais il a terni ſa gloire, en couvrant ſes yeux du voile de l’erreur.

Madame de Valmont.

C’eſt le voile du fanatiſme. Son épouſe a tout fait. Il oublia qu’il avoit été ſenſible, & qu’il avoit entraîné dans l’erreur ma malheureuſe mere ; il eſt mort ſans ſe rappeller qu’il laiſſoit au monde une fille qui le chériſſoit avec idolâtrie.

Le Comte.

Votre frere doit réparer tous ſes torts envers vous.

Madame de Valmont.

Il parut avoir les ſentimens d’un bon frere, avant qu’il fût ſon maître. Je reçus de lui la premiere & triſte nouvelle de la perte de l’auteur de nos jours. « Ma sœur, m’écrivoit-il, la mort vient de nous enlever notre pere ; mais je lui ſurvis pour réparer les torts qu’il eut trop