qu’il se repose ; l’âme de l’intérêt public doit l’emporter sur le sarcasme et la plaisanterie. Cependant il seroit trop dangereux de bannir tout à fait cette aimable urbanité, élément de l’esprit françois, qui peut seul, à mon avis, nous ramener à l’intérêt de la société ; si je n’ai pas la majeure partie des opinions pour moi, j’aurai du moins la plus sage et la plus saine. Je reprends donc le texte de la raison et des Ministres. Quelle est la perspective et la retraite des Ministres du jour ? la lanterne et la pique ; cet affreux traitement peut-il les rendre plus honnêtes-gens ? J’en doute ; mais ce que je démontrerai physiquement, c’est qu’il est impossible que les Ministres, n’ayant pas plus d’extension que celle qu’on leur a donné, ne puissuent avoir l’énergie et les vertus des hommes d’État. L’esprit françois perd tout par les extrêmes, jadis faisoit des Ministres des dieux ; aujourd’hui il fait des Ministres des brutes ; on leur parle comme on parle aux chevaux ; la plupart sont rétifs, et à force de les avoir maltraités, ils n’ont plus ni bouche ni éperon, et le manège devenu le Corps législatif, n’a pas encore produit d’écuyers assez habiles pour former ces coursiers de l’État.
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