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obscure. Et puis vient li jours[1], qui autretant dure ·vi· mois, autresi luisant et cler[a].

Un autre leu[2] a en Yllande qui art comme feu nuit et jour, que en[3] apele le purgatoire saint Patrice. Si est si perilleus que se aucunes genz vont, qui ne soient bien confès et bien repentanz[4], tantost sont raviz et [F° 72 a] perduz, que l’en ne set[5] que il devienent[6]. Et se il est confès et repentanz, si vait[7] outre, et passe par[8] mainz tourmenz[9], et s’espurge de ses pechiez ; et que plus a fait de pechiez plus li sont grief li torment a passer. Et quant il est revenuz arrieres[10] de cele purgatoire, jamais ne li plaira chose qu’il voie au siecle, ne ne rira. Mais adès est en pleur et en gemissement[11] pour les pechiez que les genz font, et pour les maus qu’il[12] leur voit faire[b]. En [F° 72 b] cele[13] ylle a une grant montaingne de souffre[14] qui art de jourz et de nuit.

En Bretaingne si a, ce dit l’en, une fontaine[15] et ·i· perron[16] que, quant l’en giete l’yaue de cele fontainne[17] sus le perron, si commence a plouvoir, et a venter, et a tonner, et a espartir[c]. La endroit ot une maniere de genz[18] qui avoient keues par darrieres[19] [d].

Si ra l’en veïi en France une maniere de genz[20] qui furent cornuz[e].
Si ra unes femmes devers les monz de Mont Gieu qui ont boces souz les [F° 72 c] mantons[21] qui leur pendent jusqu’aus mammeles, et sont pour belles[22] tenues la endroit[f]. Autres genz y a qui ont granz boces seur[23] le dos, et sont ausi courbés comme[24] croces[g]. Et cil qui voient toutes ces choses souventes foiz ne s’en merveillent gaires. Si voit l’en aucunes foiz sourz et muez naistre, et genz qui ont nature d’omme et de femme. Et si ra l’en veü souvent aucunes[25] genz naistre sanz braz et sainz[26][* 1] mains[27].

  1. — B : le jour.
  2. — B : lieu.
  3. — B : que l’en.
  4. — B : repetanz.
  5. — B : soit.
  6. — B : deviengnent.
  7. — B : vet.
  8. — B : « par » manque.
  9. — B : tormenz.
  10. — B : arriere.
  11. — B : est en gemissemenz et en pluer.
  12. — B : mauls qui.
  13. — A : ce ; B : icele ; C : celle (« ce » = « cele » est un cas isolé dans le manuscrit A. Nous mettons « cele », la forme ordinaire du manuscrit).
  14. — B : sueffre.
  15. — B : fontainne.
  16. — B : pierron.
  17. — B : fontaine.
  18. — B : gent.
  19. — B : derrieres.
  20. — B : gent.
  21. — B : mentons.
  22. — B : beles.
  23. — B : sur.
  24. — B : comment.
  25. — B : d’aucunes.
  26. — B : sanz ; C : sens ; A : sainz.
  27. — B : mainz.
  1. * « Sainz » n’est pas isolé dans les ms. A : nous le trouvons déjà f° 20 d. Cette forme est confirmée par de nombreux exemples dans d’autres textes (cf. Burguy, II p. 364, Bartsch p. 62).
  1. « Et li arbre... luisant et cler. » Solin 16 (De Hyperboreis) ; Honorius Aug. I. 31 ; Jacques de V. 92. V. Introduction p. 44.
  2. « Un autre leu... leur voit faire. » Neckam De Laud. V. 893. (Les passages « Si est si... devienent » et « Et quant il est... voit faire » ne se trouvent pas dans Neckam) ; Giraldus Camb., Top. Hib. II. 5 ; Jacques de V. 92.
  3. En Bretaingne... espartir. » Jacques de V. 92 ; Neckam II, 7 ; Giraldus Camb., Top. Hib. II. 1
  4. « La endroit... par darrieres. » V. Introduction p. 44 ; Jacques de V. 92 (in Majori Brittania).
  5. « Si ra l’en veü... furent cornuz. » Jacques de V. 92.
  6. « Si ra unes femmes... la endroit. » Jacques de V. 92. V. Introduction p. 44.
  7. « Autres genz y a... croces. » Jacques de V. 92.