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HISTOIRE DU MOYEN-ÂGE

el-Moadham. Trente mille Français périrent dans cette retraite sur Damiette, où la reine était enfermée avec une forte garnison. Les survivants furent enfin enveloppés par les Infidèles qui les firent prisonniers avec le roi. Beaucoup de soldats apostasièrent pour sauver leur vie ; mais ni les outrages, ni les menaces ne purent altérer l’héroïque sérénité de Louis. On se décida à lui parler de rançon, et, comme on taxait sa liberté à un million de besants d’or, il répondit : « Les rois ne se rachètent pas avec de l’or ; je donnerai Damiette pour ma rançon et le million pour celle des autres. »

Ce traité fut ratifié par le sultan Ibegh porté au pouvoir après l’assassinat de son prédécesseur par les Mameluks, esclaves formés dès l’enfance au métier des armes, et qui, chargés de la garde particulière des souverains du Kaire, depuis Salah-ed-Din, exercèrent leur domination prétorienne jusqu’à la fin du dix-huitième siècle.

Observateur fidèle des engagements contractés, Saint Louis, n’ayant plus avec lui que six mille hommes, se borna à relever quelques forteresses et passa quatre années encore dans la Palestine, occupé de racheter des captifs, de ramener la concorde entre les chrétiens d’Orient, de négocier pour les soustraire aux persécutions des Mongols, et surtout du Vieux de la Montagne chef sacré des Ismaélites orientaux, appelés dans les langues occidentales Assassins, à cause de leur surnom de Haschichins ou buveurs de haschich. Cette secte, dont le dogme secret était la négation de toute religion positive, se proposait de réaliser son rêve de puissance universelle, en renversant par le poignard les chefs d’empire indociles à son autorité. Afin de régner sur les profanes au moins par la terreur, les chefs de la secte avaient fait de l’assassinat une sorte d’épreuve mystique, d’acte de piété, dont la rémunération était inévitablement l’extase éternelle du Paradis. Le fondateur de l’ordre, Hassan-ben-Sabbah-el-Homaïri, né vers le milieu du onzième siècle, avait gagné par son indomptable volonté d’aveugles prosélytes et choisi, pour repaire, la forteresse d’Alamont